Le Dernier Samouraï
Depuis un moment déjà je voulais mettre un commentaire sur ce film, l'occasion se présente maintenant que je l'ai revu récemment et que j'ai pu en parler au cours d'un débat organisé avec des amis...
Tout d'abord, l'histoire. En quelques mots, il s'agit de celle de Nathan Algren, soldat de l'armée américaine torturé par les actes de barbarie commis à l'encontre des indiens. Nous sommes en 1876. Connu pour un ouvrage sur les tactiques militaires, il est engagé par monsieur Omura, ministre de l'Empereur du Japon. Le Japon connaît une guerre civile, à cause de l'ouverture de ses frontières, entre les partisans du modernisme et les gardiens de l'Ancien Code du Bushido, les Samouraï. Après une bataille perdue, Algren est fait prisonnier par le chef des rebelles, Katsumoto et au cours des 6 mois passés en captivité, il prend fait et cause pour ces hommes qui se battent selon leurs idéaux et un code de l'Honneur que la modernité foule aux pieds.
A présent, il convient de faire une mise au point historique... Le réalisateur, Edward Zwick, s'est inspiré pour son film de la vie de Jules Brunet, un instructeur d'artillerie français qui démissionne une fois au Japon pour s'allier aux renégats samouraï. Historiquement, la rébellion de 1877 est menée par Takamori Saigo contre l'empereur Meiji et les troupes françaises.
Ce film m'inspire un certain respect. D'abord pour sa mise en scène de ce Japon du XIXème siècle, une ère particulièrement difficile puisque comme le dit lui même Edward Zwick, le pays a vécu une révolution importante dans sa technologie et sa manière d'appréhender "l'étranger" en seulement une vingtaine d'années. Deuxièmement, la caméra, bien que souvent fixée sur Tom Cruise, parvient à capter des gestes, des regards, des attitudes extrêmement intimes. La découverte de l'univers du village de Katsumoto par Algren est remarquablement rendue, on suit le personnage pas à pas, on sourit à ses tentatives maladroites mais au final on est autant perdu que lui dans cet univers qui nous dépasse avec des codes complexes et parfois dérangeants (accueillir sous son toit le meurtrier de son mari et devoir le soigner tout de même, je connais peu de monde qui le ferai...). Avec cette perspective du regard, il y a aussi les fameuses "conversations" que Katsumoto insiste pour avoir. Là, des idées sur la vie et la philosophie zen s'ébauchent. Pour ma part, j'avoue que j'ai été séduit par plusieurs phrases... Il y a enfin (eh oui, j'y viens) la musique de Hans Zimmer, connu pour ses Bande Originale de Gladiator et du Roi Lion (entre autre). Avec des sonorités nouvelles, il arrive à faire tendre l'oreille pour surprendre une note, happer un soupir, une respiration. Tout comme la caméra, la musique est intime, murmurée souvent, électrisante parfois, facteur d'émotion assurément.
Quant aux thèmes abordés, il y en a deux qui ont plus particulièrement retenu notre attention lors du débat évoqué plus haut. Le premier est celui de la rencontre de deux mondes, de deux modes de pensées, de deux univers diamétralement opposés, géographiquement, spirituellement, philosophiquement. Et pourtant, des passerelles sont possibles...
Le second est ce déchirement interne provoqué par la rupture progressiste. L'idée sous-jacente tout au long du film est qu'il ne peut y avoir de progrès sans une rupture franche d'avec les traditions et les anciens codes. Le Code du Bushido, la Voie du Guerrier, ce fameux Code d'Honneur du Samouraï, devient alors inutile. Il y a quelque part un parti pris de Zwick lorsqu'il fait le parallèle entre les indiens combattant Custer avec des arcs et des flèches et la bataille finale du film où les samouraï survivant chargent des Gatlings et des canons le sabre au clair. Les deux combats sont démesurés, les deux combats sont perdus d'avance, pourtant le courage de Katsumoto mort au champ d'honneur, comme un guerrier, va ébranler les hommes et forcer leur respect. Finalement, le mot de la fin appartient à l'empereur Meiji qui va établir une sorte d'équilibre entre les traditions et la modernité.
Au final, il en ressort pour moi un film superbe, mêlant magnifiquement les pistes de réflexion sur notre monde et les valeurs que nous prônons avec le plaisir simple des yeux pour les paysages et les décors ou les costumes. Cette vision n'engage que moi, mais il fait parti des films que je ne me lasse pas de voir, surtout si je peux en parler ensuite.